Intempérie Ouragan Katrina, 2005

Exemple de rupture de normalité :

 

Intempérie USA, 2005 

(6 pages)

 

 

 

Témoignage 1 : Katrina, Nouvelle Orléans, récit de monsieur et madame tout le monde livrés à eux même

[expurgé pour garder l'essentiel : la rupture de normalité] témoignage de deux personnes qui participaient à une conférence à la Nouvelle Orléans lorsque l'ouragan Katrina a frappé la ville. Elles ont vécu presque une semaine, coincées par les inondations d'un côté, et par le cordon sécuritaire instauré par la loi martiale et encerclant la ville de l'autre.

 

« Deux jours après que l'ouragan Katrina ait frappé la Nouvelle-Orléans, les magasins étaient fermés. Les produits étaient visibles depuis les vitrines. Cela faisait 48 heures qu'il n'y avait pas électricité, ni d'eau courante. La faim et la soif des citadins et des touristes grandissaient. L'aide promise par les gouvernements fédéral, étatique et local ne s'est jamais matérialisée [il y avait trop de superficie touchée et les secours étaient débordés]. Les vitrines ont été défoncées par les pillards. Sans doute, il aurait mieux valu casser une vitrine avec le concours des forces de l'ordre afin de distribuer les produits de première nécessité d'une manière organisée et systématique. Mais ils ne l'ont pas fait. Au lieu de ça, la police a passé des heures à jouer au chat et à la souris, chassant momentanément les pillards, qui ne faisaient que revenir sans cesse.

 

Les héros et les héroïnes pour résoudre les problèmes de l'ouragan ont été : la classe ouvrière de la Nouvelle Orléans. Les ouvriers du bâtiment qui utilisèrent leur matériel pour transporter des malades et des handicapés. Les ingénieurs qui démarrèrent et entretinrent des générateurs. Les électriciens qui ont improvisé des cordons d'extension à travers des quartiers pour partager le peu d'énergie disponible afin de libérer des voitures coincées sur les toits des parkings. Les infirmières qui ont pris en charge des ventilateurs mécaniques et qui ont passé des heures à forcer manuellement de l'air dans les poumons des patients sans conscience pour les garder vivants. Les grooms qui sauvèrent des gens coincés dans les ascenseurs. Les ouvriers des raffineries qui sont rentrés dans les entrepôts des bateaux, "volant" ceux-ci pour sauver leurs voisins agrippés aux toits dans les eaux de l'inondation. Les mécaniciens qui aidèrent à démarrer toutes les voitures trouvables pour qu'elles acheminent des gens en dehors de la ville. Et les employés de la restauration qui récupérèrent tout ce qu'ils pouvaient pour improviser des repas communaux pour des centaines des personnes abandonnées. La majorité de ces ouvriers avait perdu leurs maisons et n'avait pas eu de nouvelles de leurs familles, mais ils restèrent et ils donnèrent la seule infrastructure pour les 20% de la ville qui n'étaient pas submergés par les eaux.

Le jour 2, nous étions approximativement 500 à être restés dans les hôtels du quartier français. Nous étions un mélange de touristes étrangers, de participants aux conférences et de natifs de la ville en quête de sécurité ayant cherché refuge dans les hôtels. Certains d'entre nous avaient un contact par téléphone portable avec de la famille et des amis en dehors de la Nouvelle-Orléans. Ils nous ont dit encore et encore que la Garde nationale et plusieurs vingtaines d'autocars arrivaient en ville. Nous ne les avons jamais vus.

Nous avons décidé de nous sauver nous-mêmes. Alors nous avons mis en commun notre argent, 25000 US$ pour faire venir dix autocars qui nous sortiraient de la ville. Ceux qui n'avaient pas les 45 US$ nécessaires pour le billet étaient subventionnés par ceux qui les avaient. Nous avons attendu 48 heures pour les autocars, en passant les dernières douze heures dehors, partageant le peu d'eau, de nourriture et de vêtements à notre disposition. Nous avons créé une zone d'embarquement prioritaire pour les malades, les vieux et les nouveaux-nés. Nous attendîmes jusque tard dans la nuit l'arrivée imminente des autocars. Ils ne sont jamais arrivés. Plus tard nous avons appris qu'à la minute où ils arrivèrent aux limites de la ville, ils furent réquisitionnés par l'armée.

 

Le jour 4, nos hôtels n'avaient plus ni pétrole ni eau. L'hygiène était dangereusement abyssale. Tandis que la frustration et le désespoir montaient, la criminalité et le niveau d'eau faisaient de même. Les hôtels nous ont expulsés et ont fermé leurs portes, nous disant que les "autorités" avaient demandé que tout le monde rejoigne le Centre de convention pour y attendre les autocars.

Lorsque nous entrâmes dans le Centre, nous avons enfin rencontré la Garde nationale. Les gardes nous ont dit que nous ne serions pas autorisés à pénétrer dans le stade fermé du Superdome  puisque l'abri de secours principal de la ville s'était dégradé pour devenir un enfer humanitaire et sanitaire, [trop de monde, toilettes bouchées, bruit assourdissant, odeur insupportable, incivilités, eau potable tarie].

Les gardes nous ont dit que le Centre de Convention était aussi en train de connaître le même sort : le chaos. De fait, les policiers avaient interdiction de laisser entrer n'importe quel nouveau venu. Naturellement, nous avons demandé : "Si nous ne pouvons pas aller aux deux seuls abris de la ville, quelle est notre alternative ?" Les gardes nous ont dit que c'était notre problème et qu'ils n'avaient pas d'eau à nous donner.

 

Nous avons marché jusqu'au commissariat et là nous avons entendu la même chose, que nous devrions nous débrouiller par nous-mêmes et qu'ils n'avaient pas d'eau à nous donner. Notre groupe comptait maintenant plusieurs centaines de personnes. Nous avons tenu une assemblée générale pour décider quelle action poursuivre. Nous nous sommes mis d'accord pour faire du camping devant le commissariat. Nous serions exposés aux médias et cela constituerait une humiliation visible pour les autorités de la ville.

Nous avons commencé à nous installer et à faire un camp. Sur ce, le commissaire nous a dit qu'il avait une solution : nous devrions marcher vers l'autoroute et traverser le grand pont de la Nouvelle-Orléans où les policiers avaient de nombreux autocars qui nous attendaient pour nous faire sortir de la ville. La foule a applaudi et a commencé à bouger. Nous avons rappelé tout le monde et avons expliqué au commissaire qu'il circulait beaucoup de fausses informations. Est-ce qu'il était sûr que des autocars nous attendaient ?

Le commissaire s'est tourné vers la foule et a déclaré avec passion : "Je vous jure que les autocars sont là."

Nous nous sommes organisés et nous étions 200 à marcher vers le pont avec beaucoup d'excitation et d'espoir.

Pendant qu'on passait le Centre de Convention, plusieurs natifs de la ville ont vu notre groupe déterminé et optimiste et ils ont demandé où on allait. Nous leur avons répété les nouvelles fantastiques. Des familles ont immédiatement pris leur maigre baluchon et nous ont rejoints. La taille de notre groupe a doublé, puis elle a doublé encore. Nous avions avec nous des bébés dans des poussettes, des gens appuyés sur des béquilles, des vieux et d'autres en sièges roulants. Nous avons marché les 4-6 km jusqu'à l'autoroute et nous avons monté la pente raide qui nous menait au pont. Il pleuvait maintenant mais la pluie ne mouillait pas notre enthousiasme.

 

Quand nous sommes arrivés près du pont, les policiers armés ont formé une ligne à travers les pieds du pont. Avant que nous les ayons approchés assez pour leur parler, ils ont commencé à tirer avec leur armes au-dessus de nos têtes. Ceci a fait fuir la foule dans tous les sens. Tandis que la foule s'éparpillait, quelques-uns d'entre nous se sont approchés d'eux pour discuter.

Nous leur avons répété notre conversation avec le commissaire. Les policiers nous ont informés qu'aucun autocar n'attendait, c'était un mensonge. Nous avons demandé pourquoi nous ne pouvions pas traverser le pont étant donné qu'il y avait peu de circulation sur l'autoroute à six voies. Ils ont répondu que la ville suivante la plus proche n'avait pas de stade [pour accueillir autant de monde et que cela allait propager le chaos ailleurs].

 

Notre petit groupe a reculé jusqu'à l'autoroute 90 pour se protéger de la pluie sous l'autoroute. Après avoir débattu des alternatives, nous avons décidé de construire un camping au centre de l'autoroute  sur les bords du milieu. Notre logique était qu'ainsi nous serions visibles de tout le monde, que nous serions en sécurité en étant sur une autoroute surélevée et que nous pourrions attendre et guetter l'arrivée des autocars. Toute la journée, nous avons vu d'autres familles, individus et groupes qui faisaient le même trajet pour traverser le pont et se faisaient toujours repousser. Certains étaient chassés par le feu des munitions, d'autres ont entendu simplement "non", et il y en avait d'autres qui se faisaient agresser verbalement et humilier. Des milliers de gens de la Nouvelle-Orléans n'ont pas pu s'évacuer eux-mêmes en quittant la ville à pied.

Entre temps, les deux seuls abris de la ville continuaient à se dégrader. Le seul moyen de traverser le pont était de le faire en véhicule. Nous avons vu des ouvriers voler des camions, des autobus, des camions de déménagement et n'importe quelle voiture pouvant être démarrée sans clé. Les véhicules étaient tous remplis de personnes essayant d'échapper de la misère qu'était devenue la Nouvelle-Orléans.

Notre petit camping a commencé à fleurir. Quelqu'un a volé un camion de livraison d'eau et il nous l'a amené.  A peu près 2 km plus loin sur l'autoroute, un camion de l'armée en tournant trop rapidement a perdu quelques cartons d'approvisionnement. Nous avons amené cette nourriture dans notre camp dans des caddies de supermarché. Maintenant s'étant assuré les deux nécessités, nourriture et eau, coopération, communauté et créativité ont fleuri. Nous avons organisé un nettoyage. Nous avons fait des lits avec des palettes en bois et des cartons. Nous avons désigné un caniveau pour en faire des toilettes et les enfants ont construit un enclos avec du plastique, des parapluies cassés et d'autres débris pour les rendre intimes. Nous avons même organisé un système de recyclage de la nourriture où les personnes pouvaient s'échanger des morceaux de leur approvisionnement.

C'est un processus qu'on voyait se répéter sans cesse après Katrina. Quand des individus devaient lutter pour trouver de l'eau et de la nourriture, cela signifiait que chacun vivait pour soi. Il fallait faire tout ce qui était nécessaire pour trouver de l'eau pour vos enfants et de la nourriture pour vos parents. Quand ces besoins fondamentaux étaient satisfaits, les gens commençaient à prendre soin des autres, à travailler ensemble et à construire une communauté. Si les organisations de secours avaient ravitaillé la ville avec de l'eau et de la nourriture dans les premiers deux ou trois jours, le désespoir, la frustration et la dégradation ne seraient pas tombés sur la ville. Nos besoins fondamentaux comblés, nous avons offert de l'eau et de la nourriture aux familles et aux individus qui nous croisaient. Beaucoup ont décidé de rester et de se joindre à nous. Notre camp s'est agrandi de 80 ou 90 personnes.

 

Une femme avec une radio à piles nous a appris que les médias parlaient de nous. Exposés ainsi sur l'autoroute, chaque organisation de secours et d'information nous avaient vus en rentrant dans la ville. Ils demandaient aux autorités ce qu'elles allaient faire avec toutes ces familles qui vivaient là-haut sur l'autoroute. Les autorités ont répondu qu'ils allaient s'occuper de nous. Certains d'entre nous commençaient à avoir peur. "S'occuper de nous" avait un ton de mauvais augure.

Malheureusement, cette crainte était justifiée. Au crépuscule, un policier est arrivé, a pointé son flingue sur nos têtes et a hurlé : "Descendez de cette putain d'autoroute." Un hélicoptère utilisa le vent qu'il créait pour faire s'envoler nos abris maigres. Pendant qu'on battait en retraite, le policier a rempli son camion avec notre nourriture et notre eau. Une fois encore, sous la menace du pistolet, nous fumes forcés de sortir de l'autoroute.

Tous les agents des forces de l'ordre se sentaient menacés lorsque nous nous assemblions en groupes de 20 ou plus. Dans chaque assemblée de "victimes", ils voyaient des "émeutiers." Nous nous sommes sentis sécurisés en étant nombreux. Notre désir de "rester tous ensemble" rencontrait l'hostilité des pouvoirs publics qui nous forçaient à nous atomiser par petits groupes.

On s'était de nouveau éparpillé, notre camping étant détruit. Réduit à un petit groupe de huit, dans le noir, nous avons cherché un abri dans un autobus scolaire abandonné, sous l'autoroute. Nous nous cachions des éléments criminels mais également et définitivement nous nous cachions des policiers avec leur loi martiale, leur couvre-feu, et leur procédure de "tirer-pour-tuer".

Les jours suivants, notre groupe réduit à 8 personnes, qui marchait pratiquement toute la journée, a pris contact avec les pompiers de la Nouvelle-Orléans et a été sauvé par un hélicoptère d'une équipe de sauvetage urbain. Ils nous ont laissés près de l'aéroport et on a réussi à s'y faire amener par la Garde nationale. Les deux gardes étaient désolés pour la réponse bornée des gardes de Louisiane. Ils ont expliqué que la majorité de leur unité était en Irak et qu'ils n'étaient pas suffisamment nombreux pour accomplir tout le travail assigné.

 

Nous sommes arrivés à l'aéroport le jour où une grosse opération d'évacuation par les airs démarrait. L'aéroport était devenu un nouveau Superdome. Nous étions huit, pressés de toutes parts par une foule d'hommes tandis que les vols furent suspendus pour plusieurs heures afin que George Bush puisse atteindre l'aéroport et se faire photographier.

 

Après avoir été évacués par un avion des gardes-côtes, nous sommes arrivés à San Antonio, Texas. Là-bas continuaient l'humiliation et la déshumanisation des opérations de secours officielles. Ils nous ont mis dans des cars et nous ont conduits dans un grand champ où ils nous ont faits nous asseoir des heures durant. Certains autocars n'avaient pas de climatisation. Dans le noir, on était des centaines à être obligés de partager deux toilettes portables qui débordaient.

 

Ceux qui ont réussi à sortir de la ville avec des bagages (souvent juste quelques trucs dans les sacs plastiques déchirés) étaient soumis à deux fouilles différentes avec des chiens. La plupart d'entre nous n'avait pas mangé de toute la journée car nos approvisionnements avaient été confisqués à l'aéroport parce qu'ils déclenchaient les détecteurs de métaux. Pourtant, aucune nourriture n'a été prévue pour les hommes, femmes, enfants, gens âgés et handicapés tandis qu'ils restèrent assis des heures en attendant d'être vus par un médecin qui confirmera qu'on ne transportait pas des maladies contagieuses.

 

Cette réception officielle contrastait beaucoup avec la réception chaleureuse et sincère que les Texans ordinaires nous avaient offerte. Nous avons vu une employée d'une compagnie aérienne donner ses chaussures à quelqu'un qui allait pieds nus. Les étrangers dans la rue nous ont offert de l'argent et des articles de toilettes avec des mots de bienvenue.

Témoignage n°2, Ouragan Katrina, récit d'un aide soignant

 

Donnie, 38 ans, américain, cadre supérieur dans une société organisatrice de salons internationaux.

 

L'ouragan Katrina lui a ouvert les yeux sur la nécessité de se préparer au pire, même si ce dernier n'arrive .

 

Il a passé six semaines à travailler comme aide-soignant à la Nouvelle-Orléans.

« Ce fut un cauchemar logistique pour se rendre dans la région ». « Et plus vous restiez là-bas, plus vous réalisiez que, en un clin d’œil, votre vie peut basculer. Je ne veux pas être la personne qui fait la queue pour avoir du pain ou de l’eau potable. »

 

Après l’ouragan Katrina, il a stocké près de deux semaines de nourriture, puis voyant l'économie qui se grippe régulièrement, il est «passé à la vitesse supérieure  » et a acheté plus de réserves et un système de filtration d’eau.

« J’ai probablement pour six mois environ de nourriture pour deux personnes, », « J’entrepose environ 115 litres à portée de main, et j’ai les moyens de stocker 5 fois plus si j’apprends que les choses tournent mal. » 

 

Source : Article dans Star news en 2009.

 

[commentaire de Flopapillon : attention en cas de rupture de normalité, pensez vous que Donnie aura le temps, la possibilité, les moyens, le transport adéquat pour augmenter son stock ? Une rupture de normalité peut intervenir très brutalement et tout le monde va se précipiter pour faire des stocks. Il vaudrait mieux pour Donnie augmenter son stock sans attendre une rupture de normalité. Ainsi en cas de problème, il ira juste compléter de dont il a besoin en fonction de la nature de la rupture de normalité.]