L'histoire des réserves de Martine C.
[seules les parties relatives aux réserves ont été conservées dans cet article. Merci Martine]
"J'ai commencé à travailler à l'âge de 16 ans avant de me marier à 20 ans. Quatre bébés plus tard, j'ai repris le chemin du travail. Mes grands parents qui avaient connu la guerre ont toujours eu des réserves alimentaires et autres.
Par tradition on va dire familiale, j'ai toujours eu des stocks alimentaires, et mon mari qui était né dans une famille qui n'avait rien dans les placards "car les magasins sont pas loin" s'est adapté à la situation. Lui, il construisait les étagères et les meubles pour les stocks, moi je faisais les courses. Nous avons réussi à avoir des provisions de bouche mais aussi du gaz et du bois pour cuisiner, de l’essence pour la voiture au cas où. Un jour nous sommes devenus les acquéreurs d'un groupe électrogène, et pis mon mari s'est intéressé à l'énergie du soleil. Il a trouvé des modéles pour faire un four solaire, c'est bien mais la cuisson est longue. Il a fait un chauffe eau solaire qu'on a installé dans son atelier où il a mis une cabine de douche qu'un voisin avait mis aux encombrants. Il était tout content mon mari de tout ça, et c'est lui qui entretenait le jardin. Moi je faisais les conserves maison.
J'ai pensé à ce qu'on aurait besoin si on avait une galère. Le plus important, c'est la nourriture, l'eau, le chauffage, les outils pour bricoler et réparer les affaires. Alors on a ajouté des étagères, et on a continué à les remplir. On faisait pas que remplir, on les utilisait aussi pour pas qu'elles se périment et pour faire tourner notre stock.
Quand il y a eu la grande tempête à la fin décembre 1999, tout le quartier s'est trouvé sans électricité. Chez nous, on pouvait manger du chaud, on pouvait se chauffer. On pouvait même prendre une douche chaude, car mon mari avait aussi installé un poele dans son repaire avec une baignoire. Les voisins sont venus. c'était bien, on a bien mangé parce qu'il fallait cuisiner la nourriture dans les frigos et les congélateurs. On a bien bu aussi. Y a des voisins qui sont restés dormir chez nous. On avait de l'essence pour la voiture, le groupe électrogène, des médicaments pour les bobos, donc on a bien vécu malgré cette tempête horrible.
Après ça, des voisins ont commencé à faire comme nous. Ils ont stocké, on s'échangeait les conserves faites à la maison, les hommes ont mis des citernes pour récupérer l'eau de pluie, ils ont installé des poeles dans les maisons, l'entreprise qui les vendait à même dit oui pour un prix de gros, on s'ennuyait pas, on vivait bien.
Un jour, une entreprise a fermé et plusieurs personnes, et même mon mari, ont été jetées dehors. C'était la crise, pas la faute du patron qui était un homme bien. Heureusement qu'on avait des stocks et qu'on avait des solutions pour faire baisser nos factures de chauffage et autres. Les voisins qui étaient comme nous, ça allait aussi pour eux, mieux que pour les familles qui n'avaient pas de réserves. Quand on est à la campagne, si on veut des aides il faut se déplacer pour aller faire des démarches, et il y a pas de train, pas d'autobus réguliers pour emmener les campagnards à la ville, et l'essence, la réparation de la voiture ça monte vite dans les comptes de la famille quand on a pas beaucoup de sous.
Mon mari est mort il y a quelques années, j'ai toujours continué à stocker. Mes voisins aussi.
Avec la crise un de mes fils est venu avec sa famille vivre avec moi. Il avait créé son entreprise dans une autre région, et il travaillait beaucoup pour l'administration mais elle ne payait pas ses factures, ou avec de trop gros temps d'attente, alors il a du faire une liquidation. Il a pas eu droit au chômage, encore une période difficile. Mes étagères pleines ont évité qu'on se demande comment on allait nourrir cinq personnes. On a tenu deux ans avec uniquement les réserves de la cave.
Mon fils a trouvé du travail. Il vit toujours avec moi. Sa femme travaille à la maison elle vend des choses par internet. Elle gagne pas des fortunes mais c'est suffisant. Elle s'occupe de ses enfants, du jardin, des réserves avec moi. On s'entend bien. On vit simplement, sans déranger les gens, en suivant les saisons. Mon plus jeune enfant est étudiant en médecine, lui aussi, comme ses frères et soeurs, il fait des réserves même dans son petit studio. Il les met sous son lit, derrière son canapé, sur ses placards. Il dit que ça lui évite de perdre du temps dans les magasins. Il achète juste le frais.
Voilà Flopapillon, mon histoire de famille avec mes réserves, pas la peine d'avoir une guerre pour en avoir besoin, ça peut toujours servir même en temps de paix".
Martine C.
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